Un G8 inutile
NOUVELOBS.COM | 09.07.2009 | 09:53
Les éditoriaux de la presse française commentent, jeudi 9 juillet, le sommet du G8 qui est réuni à l'Aquila, en Italie.
LA CROIX
Dominique Quinio
"(...) Le constat du G8 se révèle en demi-teinte, car s'ils pensent que
le pire de la crise est passé et que l'économie se stabilise, les États
savent que les conséquences sociales se font pleinement sentir
aujourd'hui. Le chômage ébranle les personnes fragilisées
économiquement et moralement, menace la cohésion sociale, l'équilibre
des familles, la stabilité des communautés? Certains autres signaux ne
manquent pas d'inquiéter. Les États les plus riches, malgré des
déclarations d'intention volontaristes, ont du mal à tenir leurs
engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de
serre. L'aide aux pays du Sud n'atteint pas les montants fixés. Comme
ne semblent pas non plus progresser de manière concrète les mécanismes
censés réguler le système financier. On souhaiterait que les
participants du G8 et leurs hôtes, décidément, écoutent toujours
davantage les échos d?un monde inquiet et en attente."
SUD-OUEST
Bruno Dive
"(...) On l'a vu à Washington en novembre, puis à Londres en avril, et
on le reverra à Pittsburgh en septembre : c'est là que se prennent les
vraies décisions, pour la relance mondiale, la lutte contre les paradis
fiscaux ou la régulation financière. Quant à savoir si ces décisions
sont ou seront suivies d'effets est un autre question, mais l'enceinte
légitime est bel et bien là : comment décider de l'avenir de la planète
en se privant des représentants des quatre cinquièmes de ses habitants
? Dès lors se pose la question de savoir s'il faut poursuivre les
sommets du G8. Pour faire plaisir à Berlusconi ? On sait qu'il a
d'autres moyens de se consoler Pour les fameux échanges entre grands de
ce monde ? Merkel et Sarkozy, Obama et Medvedev ont maintes occasions
de se rencontrer. Décidément le G8 ne sert plus à rien, et le président
chinois l'a si bien compris qu'il a préféré regagner son pays pour
superviser la répression contre les Ouighours."
L'EST REPUBLICAIN
Chantal Didier
"(...) Le G8, de fait, a vécu. La preuve : il se réunit aujourd'hui
avec le G5 des pays émergents, qui deviendra G14 en raison de
l'invitation faite à l'Egypte. S'y ajouteront les représentants des
économies dites majeures pour traiter du climat et du refus du
protectionnisme. Vendredi, des dirigeants africains prendront place
autour de la table, puisqu'il sera question de l'avenir de leur
continent. La régulation de l'économie mondiale ne peut plus être
l'apanage des pays les plus riches. Le G8 devrait donc disparaître pour
laisser la place à un G20 plus représentatif. Mais l'Italie refuse de
sacrifier son strapontin, qui lui donne un statut à part, et le Japon
ne veut pas de la Chine à toutes les réunions. Même prolongé de deux
ans, le moribond perd de son poids et chacun prépare davantage le
prochain G20 de Pittsburgh, en septembre. Il reste les images."
PARIS-NORMANDIE
Michel Lépinay
"(...) Les huit ne peuvent en effet ignorer qu'il n'y a plus un
problème mondial qu'ils puissent régler entre eux. C'est le cas de la
régulation financière internationale, mais c'est aussi le cas du
réchauffement planétaire. Du coup, après s'être donné hier l'illusion
de régler les problèmes du monde entre eux, nos huit vont élargir
aujourd'hui leurs réunions aux autres pays. En particulier pour aborder
la question du développement, que les huit ont pris l'habitude de
mettre au menu de chaque sommet. Pour promettre à chaque fois des
milliards, en particulier à l'Afrique Des promesses qui viennent se
substituer à celles, non tenues, de la fois précédente. Alors, quand
va-t-on enfin se décider à renoncer à ce show annuel inventé par
Giscard d'Estaing. Peut-être l'an prochain Mais en attendant, on rejoue
la pièce encore une fois. Et si les dialogues ne sont pas très
crédibles, il reste l'incroyable mise en scène de ce club de riches se
réunissant au milieu d'un village misérable, détruit par un tremblement
de terre ! Une mise en scène signée par un expert : l'ineffable
Berlusconi."
L'UNION
Hervé Chabaud
"Ne risque-t-on pas de se limiter à des palabres à l'italienne, à un
baratin de circonstance coûteux mais stérile ? Le sommet du G8 de
L'Aquila a déjà mal commencé avec cette frilosité de trop de dirigeants
à oser s'engager dans une vraie lutte pour préserver le climat de la
planète. La crise économique a bon dos lorsqu'il s'agit de repousser à
plus tard des décisions pourtant impératives pour prévenir une
accélération des phénomènes météorologiques extrêmes. Les intérêts
égoïstes sont toujours aussi enkystés chez les opportunistes de la
politique. À peine commencé ce sommet est déjà amputé de sa dynamique
environnementale. Autant dire qu'il ne faut pas attendre de miracles
sur les autres sujets.(...)"
L'HUMANITE
Patrick Apel-Muller
"Rien ne doit déranger l'ordre mondial. Les dirigeants des pays les
plus puissants, assemblés en Italie, préfèrent que la crise suive son
cours quels que soient les dégâts semés à sa suite, plutôt que de
contester le système capitaliste. Ils n'envisagent également que des
mesures limitées pour remédier aux pollutions qui engendrent le
réchauffement climatique. Pas question de trancher dans le vif des
profits ni de remettre en cause les privatisations d'activités,
pourtant vitales pour l'avenir de l'humanité. Ici et là, Barak Obama a
bien imprimé quelques touches de vert dans la politique américaine mais
rien qui soit à la hauteur de la menace. Ses objectifs de réduction de
production de gaz à effet de serre sont bien en dessous de ce que les
experts du GIEC jugent comme le seuil supportable pour la planète. Pour
l'heure, les présidents des puissances occidentales voient dans
+l'économie verte+ un gisement pour dividendes et stock-options plutôt
qu'une réorientation radicale vers un développement durable."
L'ALSACE
Erwan Quéré
"(...) Aussi, lors de la rencontre, aujourd'hui, avec le G8, ils (les
pays émergents, ndlr) devraient logiquement refuser de sacrifier des
pans entiers de leur économie à la bonne santé de la planète, qui est
loin d'être leur premier souci. Et ce d'autant plus en temps de crise.
D'autre part, il n'est pas certain que les promesses faites hier en
Italie, si elles deviennent effectives, permettront de passer à côté de
la catastrophe. L'accumulation du CO2 dans l'atmosphère et
l'accélération du réchauffement sont telles que les températures
pourraient quand même grimper à un niveau catastrophique, signant par
exemple le glas des banquises et des immenses zones côtières menacées
par la montée des eaux. Les huit années d'immobilisme de
l'administration Bush ont déjà fortement réduit la marge de manoeuvre
face au changement climatique. Reste à espérer que les efforts
consentis hier par les grands de ce monde permettront de limiter les
dégâts."
LA PRESSE DE LA MANCHE
Jean Levallois
"(...) Dans un monde en crise, où il s'agit d'éviter un désastre à
l'économie, l'idée de Silvio Berlusconi de réunir le G8 à L'Aquila,
parmi les ruines encore agitées de tremblements sismiques, est
évidemment plus que symbolique. Il n'est pas certain que les réfugiés
du tremblement de terre aient vu d'un très bon oeil l'arrivée des
puissants du monde au coeur de leur misère et de leur colère. Reste que
le cadre insolite choisi a le mérite de rappeler l'urgence qu'il y a
pour tous à trouver des solutions aux besoins de notre époque et pour
tous les peuples.(...)"
LA VOIX DU NORD
Hervé Favre
"(...) Aujourd'hui, dans l'économie mondialisée, le bon format est le
G20 tel qu'il s'est réuni à Londres en avril et se retrouvera à
Pittsburgh en septembre. Rien ne peut se faire désormais sans la Chine,
l'Inde, le Brésil, le Mexique, l'Afrique du Sud* et tous ces pays
émergents qui, additionnés aux huit pays les plus riches, forment 90 %
du PIB mondial. Ce qui est vrai sur le plan économique l'est encore
plus dans la lutte contre le réchauffement climatique, autre priorité
au menu du sommet de L'Aquila. On ne peut qu'applaudir l'engagement
annoncé hier soir par le G8 de diviser par deux les émissions mondiales
de gaz à effet de serre d'ici à 2050 par rapport à 1990, et de +80 % ou
plus+ celles des pays industrialisés afin de limiter le réchauffement
global à 2 °C. Mais qu'en pense le Chinois Hu Jin Tao, très gros
producteur de CO2, reparti précipitamment chez lui pour cause
d'affrontements ethniques dans la région du Xinjiang?"
LA REPUBLIQUE DES PYRENEES
Jean-Marcel Bouguereau
"(...) Compromis encore entre les partisans de la discipline
budgétaire, comme l'Allemagne, ou ceux qui insistent sur la nécessité
de soutenir encore une conjoncture chancelante, comme les Etats-Unis,
ceux-ci pouvant en effet s'apprêter à lancer un nouveau plan de grands
travaux pour soutenir la conjoncture. Que comprendre au projet de
déclaration commune, lorsque les dirigeants du G8 évoquent dans la
foulée des "signes de stabilisation" de l'économie, tout en assurant
que "les effets de la crise économique sur les marchés du travail
peuvent remettre en cause la stabilité sociale" ? Autre revers : Les
discussions sur le climat, puisque le projet de déclaration ne fait pas
mention d'un objectif de réduction de moitié des émissions de gaz à
effet de serre d'ici 2050. Renoncer à un objectif de réduction des
émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 équivaut à "un suicide
écologique", a estimé mercredi le climatologue français Jean Jouzel,
vice-président du Groupe international d'experts sur le climat (GIEC).
Il reste encore deux jours pour sortir de ce chantier de ruines."
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